Chers « collègues » auteurs,

Publié le par Annick KIEFER

L’année dernière, la bibliothèque de Pulversheim a pris l’initiative d’organiser le premier RDV du livre, auquel nous étions nombreux à participer et à y revenir cette année, conquis par la qualité de l’accueil, de la mise en place et la chaleur de ce salon.

Alors, que s’est-il passé cette année pour que les personnes organisatrices soient enclines à baisser les bras, accablées de critiques ? Qu’attendions-nous d’elles ? Pensions-nous que tout devait rouler désormais sans faire le moindre effort pour contribuer à la réussite du salon ?

Au fil des salons auxquels j’ai participé, j’entends les mêmes plaintes : il n’y a pas beaucoup de monde ; il ne faudrait pas vendre les livres d’occasions qui font une concurrence déloyale à nos propres écrits. D’accord ! Certains d’entre nous ont participé aux Salons de Colmar ou de Saint-Louis. Certes, il y a bien foule, mais celle-ci passe devant nous sans même jeter un œil pour se ruer sur une vedette de téléréalité, une star des médias ou un homme politique. Et si, parmi les rares vrais auteurs se cache un écrivain, encore faut-il qu’il soit célèbre pour connaître un sort meilleur que le nôtre, nous, auteurs de l’ombre.

D’accord, les prix des livres d’occasion défient toute concurrence, mais leur vente permet aux structures ou associations de financer en partie l’organisation de telles manifestations. De plus, cette vente attire les chalands. A nous, ensuite, de les intéresser.

Et cela nous ramène à nous, qui sommes si prompts à critiquer. Ayons conscience que nous sommes, au même titre que les organisateurs, responsables de la réussite d’un salon. Il est plus facile de critiquer que de se remettre en question. Ne tombons pas dans ce travers ! Soyons réalistes !

Nous sommes pour la plupart de parfaits inconnus pour le public. Dès lors, venir vers nous leur est compliqué puisque les visiteurs ne possèdent aucun repère nous concernant. C’est donc à nous de les « séduire ».

Timide, gênée, je suis la première à flancher dans cet exercice. Mais au moins, je souris. Quoi qu’il se passe, j’essaie d’être avenante, aussi bien avec les visiteurs qu’avec les auteurs présents. Je ne vous connais pas tous et le regrette parfois, car il en est parmi vous que j’ai croisés plus d’une fois sans pour autant avoir pris le temps de mieux vous connaître, alors qu’il émane de vous gentillesse et tolérance. Le hasard des placements permet de nouveaux contacts qui donnent lieu, selon les tempéraments, à de chaleureux échanges débouchant sur une amitié « littéraire », ou à des monologues égocentriques épuisants ne débouchant sur rien. On peut passer une journée à côté de quelqu’un qui, pas une seule fois, ne se sera montré curieux à l’égard de votre travail, encore moins envers vous. Vous saurez tout de lui ou d’elle et l’autre ne se rappellera même pas votre nom. Je suis sûre que vous avez tous vécu ça, d’un côté ou de l’autre de l’ego, selon les jours et le voisinage.

Libre à nous de nous prendre pour le centre du monde, mais il ne faut pas s’étonner alors de ne voir personne en orbite autour de nous.

Ne perdons pas de vue que participer à un Salon est avant tout un moyen de se faire connaître, et non de vendre, n’en déplaise à certains. C’est un lieu de partage, non seulement avec le public, mais également entre nous, ce que nous avons tendance à oublier. J’en veux pour preuve l’autre objet des critiques lors du RDV du livre de Pulversheim : les lectures publiques.

L’idée d’organiser ces moments d’échange était excellente. Nous étions une vingtaine d’auteurs à y participer, ce qui a quelque peu compliqué l’organisation de ces moments. Peut-être n’était-ce pas parfait, mais les organisateurs ont fait au mieux pour que tout le monde puisse s’exprimer. C’était une première, ne l’oublions pas ! Tolérance et propositions constructives seraient une meilleure façon de saluer le travail de ces personnes que des critiques stériles. Il est facile de se plaindre quand on ne s’investit pas soi-même.

Car, je vous le demande : qui a quitté son stand, ne serait-ce qu’un quart d’heure, pour soutenir un de ses « collègues » ? Très peu, je peux vous le dire, pour avoir assisté à quelques séances. Une main amputée d’une phalange suffirait pour nous compter. Et cela, malgré les appels au micro des organisatrices, dépitées de voir les chaises vides. Comme auditeurs, c’étaient souvent les mêmes : ceux qui favorisent la convivialité au détriment des « affaires » ; ceux qui privilégient le partage, se montrent curieux des autres et non en concurrence ; ceux qui, tout simplement, sont contents d’être là, et cela, malgré les éventuels désagréments. Question de politesse ! C’est pourtant simple ! Et ces personnes étaient heureuses de lire leurs textes, même devant deux personnes et dix chaises vides.

J’ai compté au maximum cinq auditeurs lors des séances auxquelles j’ai assisté et là encore, les dames de la bibliothèque étaient présentes, conscientes de notre « solitude », pour nous écouter, nous poser des questions, nous porter de l’intérêt.

Alors, je me répète : pourquoi les autres s’intéresseraient à nous si nous dédaignons les autres ? Ne sommes-nous là que pour vendre ? Le livre n’est-il qu’un objet ? Si tel est notre raisonnement, ne perdons pas de vue qu’un auditeur est possiblement un lecteur et, de ce fait, un potentiel acheteur.

Pour ma part, j’ai lu devant trois personnes. J’y ai sans doute trouvé plus de plaisir et moins de stress que devant cent. Certes, mon ego aurait été flatté qu’il y ait davantage de monde pour m’écouter, mais je vous avoue que ce n’est pas la part de moi que je préfère. A trop être flatté, l’ego gonfle au point de masquer l’essentiel : l’humilité.

Chers auteurs, j’ai personnellement passé une excellente journée au RDV du livre de Pulversheim bien que je n’aie vendu que deux livres. Cette journée fut l’occasion, pour moi, de retrouver parmi vous de belles personnes, des habitués à la gentillesse égayant leur visage et qui me sont devenues comme des phares. J’ai fait de belles rencontres, aussi bien dans nos rangs, grâce au public, que parmi l’équipe de la bibliothèque, dont je salue l’humilité et le dévouement.

Sans elle, sans toutes les personnes suffisamment motivées et enthousiastes, prêtes à sacrifier un dimanche en famille pour mettre sur pied un tel événement, il n’y aurait plus de « petits » salons et nous, auteurs inconnus, resterions chez nous à nous lamenter sur notre triste sort d’invisibles.

N’oublions pas que les organisateurs font, en général, avec les moyens du bord. Ce ne sont pas des grandes surfaces aux reins solides qui peuvent nous régaler d’un bon gueuleton dans un restaurant haut de gamme, ni faire imprimer en grand nos visages accrochés au plafond de l’immense magasin pour faire notre pub.

Conscients de cela, nous devrions faire preuve de tolérance vis-à-vis de ceux qui nous mettent en avant, reconnaître notre part de responsabilité dans la qualité d’un Salon, et rendre possible un troisième RDV du livre de Pulversheim.

Annick Kiefer

Publié dans Humeur

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article